Ivan Tourguéniev et Le Groupe des Cinq

Разделы: Иностранные языки


Objet: Actualisation du rôle de l’activité de I.S. Tourguéniev dans le dialogue des cultures et littératures russe et française au cours de l’année du bicentenaire de la naissance de Tourguéniev.

Objectifs:

  • Développer la compétence socio-culturelle des apprenants en faisant découvrir des pages et des documents peu connus de la vie et de l’activité en France de l’écrivain russe;
  • Développer les capacités linguistiques des élèves en les initiant au genre épistolaire des grands classiques et en étudiant le vocabulaire nécessaire pour comprendre et discuter le sujet ; présenter les sourses authentiques pour donner la possibilité d’étudier le sujet au niveau intermédiaire ou avancé;
  • Verser un support méthodologique et didactique à l’étude des cultures croisées de la Russie et la France, motiver les élèves à s’intéresser aux multiples aspects socioculturels et communicatifs existants entre nos pays à travers l’activité des représentants de leurs cultures.

Téchnologie de la leçon:  représentation du sujet étudié à la base du matériel didactique authentique et l’épistolaire de l’écrivain russe et ses contemporains français, accompagnés d’une présentation Microsoft PowerPoint [Приложение]

Apprenants: élèves des classes 9me –11me (langue première et seconde)

Equipement: l’ordinateur  (avec la projection à l’écran)

Consacré au bicentenaire de la naissance d’Ivan Tourguéniev
(9.11.1818 – 3.09.1883)

L’étude des langues dans le monde actuel a comme but essentiel le savoir socioculturel et la possibilité de participer à la communication interculturelle. Les hitoires croisées des cultures russe et française nous citent comme exemples beaucoup de noms des représentants des deux pays qui avaient favorisé le dialogue rendant ces cultures plus proches et ouvertes l’une vers l’autre. La vie et l’œuvre, et en particulier la correspondance d’Ivan Tourguénev en sont une preuve incontestable. Laissons parler les participants de ce dialogue franco-russe du XIXe siècle.

 Remarquable écrivain de ce siècle

Il n’y a pas de personnalité littéraire au XIXe siècle dont l’œuvre soit si authentiquement nationale et la vie plus liée à la France que celles d’Ivan Serguéiévitch Tourguéniev. Cet écrivain a connu une destinée étrange : fêté par les uns en Russie, mais déchiré par les autres, il était considéré en France comme un écrivain de premier ordre jusqu’à sa mort en 1883. Un intérêt soutenu en France pour la Russie et pour la littérature de ce pays s’était surtout manifesté dès les années quarante et cinquante du XIXe siècle où Tourguéniev était un des premiers écrivains considérés grands auteurs russes, à côté de Pouchkine, Krylov, Lermontov, Gogol découverts alors et non pas sans soucis de Tourguéniev.

Tourguéniev a été reconnu classique même par ses contemporains français célèbres dont  Guy de Maupassant qui avait donné l’image particulière de ce « grand romancier russe qui avait adopté la France pour patrie » : « Il fut un des plus remarquables écrivains de ce siècle et en même temps l’homme le plus honnête, le plus droit, le plus sincère en tout, le plus dévoué qu’il soit possible de rencontrer ... ce romancier de génie qui avait parcouru le monde, connu tous les grands hommes de son siècle, lu tout ce qu’un être humain peut lire, et qui parlait aussi bien que la sienne, toutes les langues de l’Europe ». (Maupassant)
Son instruction brillante, sa bienveillance immuable, le charme lyrique de sa personne et de son talent lui ont assuré une place unique d’un messager dans l’histoire des liens culturels entre la Russie et l’Europe et surtout la France où l’écrivain a vécu près de quarante ans de sa vie « à cheval sur deux idées, sur deux pays, sur deux destins » (H. Troyat).

Dans le foyer sacré de l’Europe

La France était souvent considérée comme foyer sacré de l’Europe par les intellectuels russes du XIXe siècle. Pour Tourguéniev, cet écrivain qui aimait ardemment son pays, veillait sans cesse à sa culture, souffrait pour ses insuffisances et désirait son épanouissement, ce pays est devenu l’abri de son exil volontaire.
Tourguéniev écrivait en 1867 à l’éditeur français Hetzel :
« J'allais vous envoyer comme mon mot sur Paris – que c'est une belle ville située sur la Seine, quand j'ai dé­couvert dans une vieille lettre à moi le passage suivant: « Ce qui pousse les étrangers, les jeunes surtout vers Paris, c’est (qu'ils s'en rendent compte ou non) le secret désir d'y découvrir enfin le vrai mot de l'énigme humaine. Paris ne le donne pas plus que toute autre ville; mais ne l'ayant pas trouvé là, on ne le cherche plus ailleurs, et l'on se laisse aller au scepticisme, à l'indifférence, à la résignation. Cette résignation, muette et comme honteuse d'elle-même, tout Parisien, le plus évaporé aussi bien que le plus important, la porte cachée au fond de son être, et elle en dit plus à qui sait entendre que les déclamations chagrines ou violentes des misanthropes».
Tourguéniev s’est mis en relations avec l’élite du monde littéraire de cette époque : Sainte-Beuve, Théophile Gautier, Flaubert, les frères Goncourt, Taine, Berthelot, Renan, Gavarni, Paul de Saint-Victor, Scherer, Charles Blanc, Adrien Hébrard, Fromentin, Broca, Ribot, etc., en un mot tous les convives des fameux dîners du restaurant Magny.

Les aptitudes dramatiques

La gloire littéraire est venue à Tourguéniev de son vivant. En France les lecteurs ont connu son nom dès 1850, avec les Récits d’un Chasseur. L’écrivain a rédigé huit pièces de théâtre et cinq inachevées entre 1843 et 1852, qui prennent toutes place en Russie.

Dans une lettre Tourgueniev parle de son œuvre théâtrale et la soumet à la critique de Betty Paoli, journaliste et traductrice de ses œuvres qu’il tient en haute estime : « En réalité, j’ai dès le début de ma carrière d’auteur écrit des pièces […], mais je me suis très tôt convaincu qu’il n’y avait pas en moi l’étoffe du poète dramatique […] » Il admet d’ailleurs humblement que ses pièces « n’ont rencontré aucun succès ». Très sévère envers lui-même et envers la qualité de ses écrits, il est déjà certain de la réponse qu’allait donner Betty Paoli: «Vous partagerez très vraisemblablement mon opinion au sujet de mes aptitudes dramatiques».

« Le Groupe des Cinq »

Cette magnifique critique n’a pas empêché Tourgueniev de créer le « Groupe des Cinq » ou « Groupe des auteurs sifflés », qui rassemblait des auteurs incapables de convertir au théâtre leurs succès littéraires.  Le groupe comprenait, outre Tourgueniev, Flaubert, Daudet, Edmond de Goncourt et Zola.

C’est Ivan Tourguéniev qui a trouvé l’appellation « groupe des auteurs sifflés » pour caractériser les cinq auteurs qui se réunissaient tous les mois, à partir de 1874, autour d’une table bien garnie. En effet, ces romanciers, ces nouvellistes avaient fait des tentatives infructueuses au théâtre, soit en écrivant des pièces (Flaubert – Le Candidat), soit en faisant représenter des adaptations de leurs romans (Daudet – l’Arlésienne ; Goncourt – Henriette Maréchal ; Zola – Thérèse Raquin).

Quant à Tourguéniev, il a été sifflé pour ses comédies Sans Argent, Le fil se rompt ou il se casse, et même pour Le pique-assiette. Daudet avait émis des doutes à propos de l’échec de Tourguéniev au théâtre : " La Russie, c’est loin, on n’y est pas allé voir ".

Pourtant, la réception de cet ouvrage était loin d’être aussi négative que l’auteur le laisse paraître. Lorsque Tourgueniev avait offert à Gustave Flaubert un exemplaire du recueil, ce dernier s’est empressé de lui écrire : « Vos "Scènes de la vie russe" me donnent envie d’être secoué en télègue au milieu des champs couverts de neige, en entendant des loups aboyer. Il s’exhale de vos œuvres un parfum âcre et doux, une tristesse charmante, qui me pénètre jusqu’au fond de l’âme. Quel art vous avez ! »

« Les Dîner des Auteurs sifflés »

Vers 1870 Tourguéniev était non seulement admis au cercle de Flaubert, mais reconnu « maître ». A.Daudet s’en souvenait plus tard : « Ah! quels souvenirs délicieux! Nous dînions souvent tous les cinq, lui, Flaubert, Goncourt, Zola et moi, et il me reste de ces dîners des souvenirs, entre autres, bien comiques. Il nous invitait dans des restaurants très chers, c'est-à-dire que Flaubert arrivait et nous disait : Tourguénieff veut absolument vous avoir! On y allait, et c'était nous qui payions ! Or, nous n'étions pas très riches à cette époque, Zola et moi surtout, et cela nous était dur de sortir les quarante francs du repas !..

Puis Flaubert est mort, nous lui conservions son couvert à côté de nous, puis Tourguénieff est tombé malade à son tour, nous restions trois ; puis Zola est devenu ambitieux, nous n'étions plus que nous deux Goncourt, alors ç'a été fini... »

Le dialogue artistique des cinq talents

Tourguéniev a rendu bien de services à ses collègues du « groupe des Cinq » dont Gustave Flaubert (1821-1880), le meilleur ami de Tourguéniev.

La connaisance et l’amitié avec Flaubert a duré dès 1863 jusqu’à la mort de ce dernier. Dans une lettre à Claudine, la seconde fille de Pauline Viardot, Tourguéniev a tracé un superbe portrait de Flaubert : « Le gros Flaubert. Un artiste, un peintre celui-là, débraillé, vêtu à la turque <...> Original – et naturel, ce qui est plus rare ; très bon enfant, très intelligent, pittoresque d’expression et sympathique : puis – je sens qu’il a de l’affection pour moi – et c’est toujours agréable ». (lettre du 29 mars 1869)

Le chef de groupe, Gustave Flaubert a été le meilleur ami de Tourguéniev. Cette amitié fraternelle, sans nuage, qui a duré 17 ans est recréée dans leur correspondance, une des plus belles dans le genre épistolaire. Tourguéniev a traduit en russe (pour la revue de St Petersbourg, Le messager de l’Europe) et en vers libre, deux des trois Contes de Flaubert, Hérodias et La légende de Saint Julien l’hospitalier; quant à Flaubert, il revoit, en les polissant, tantôt un essai de Tourguéniev, tantôt des traductions des poèmes de Pouchkine.

De même Tourguéniev a contribué à l’édition du dernier roman de Flaubert Bouvart et Pécuchet dont il avait suivi pendant des années les étapes de création. Enfin, considérant que Madame Bovary était le meilleur roman français du XIXème siècle, Tourguéniev voulut immortaliser la mémoire de l’auteur par un monument. Il fonda un Comité, sollicita le patronage de Victor Hugo et surtout la contribution financière des écrivains français et fit passer des annonces dans la presse russe, ce qui lui occasionna de grands déboires et des lettres anonymes insultantes.

Les années 1869 à 1875, très importantes dans les relations des deux écrivains, étaient aussi celles de l’achèvement de L’Éducation sentimentale, de la création de La Tentation de Saint-Antoine, de la genèse des Trois Contes et de Bouvard et Pécuchet. Flaubert a lu à son ami russe des extraits de ses œuvres lors de ses séjours à Croisset. Ce dernier considérait le roman (L’Éducation sentimentale) comme un chef-d’ œuvre tout en déplorant son titre peu heureux. Une relecture historique du roman, dans sa seconde édition – à deux voix, avec Pauline Viardot – aura lieu en 1879 dans le cabinet de travail de Tourguéniev à Bougival.

En 1875, Flaubert a écrit sa Légende de saint Julien l’Hospitalier. Il y a fait œuvre de moraliste et c’est au moraliste Tourguéniev qu’il s’était ouvert de ce projet. On sait que Tourguéniev a traduit plus tard en vers libres la Legende et Hérodias de Flaubert et que le produit de cette publication russe a été versé à l’auteur.
Dans ses lettres à son ami russe entre 1869 et 1872 , Flaubert a exprimé son profond attachement à Tourguéniev, l’appellant souvent le seul ami et le seul conseiller.

Alphonse Daudet (1840-1897) reconnaissait en Tourguéniev un grand peintre de la nature. Les descriptions des Recits d’un chasseur présentaient pour l’auteur des Lettres de mon moulin une évidente parenté.

Daudet a consacré à son maître et ami Tourguéniev un essai qu’il a le mérite de publier simultanément en France, en Russie et en Angleterre. Daudet représente un cas intéressant au milieu des « Cinq »: s’il s’est servi d’un des Récits d’un chasseur (Le Pré Béjine) pour écrire une de ses Lettres de mon moulin (Les Etoiles), Tourguéniev de son côté lui empruntera le sujet des Vieux pour interpréter un récit (Fimöchka et Fomonchki) dans son roman Terres Vierges (voir Le Petit Chose, 1897).

Daudet a bénéficié des services du littérateur russe. Grâce à Tourguéniev Daudet a pu écrire pour le journal russe Novoïé vrémia 27 chroniques en 1878–1879.

D’après le Journal d’Edmond de Goncourt (1822-1896), on sait qu’il avait une haute opinion de Tourguéniev, en tant que conteur : « Tourguéneff – c’est incontestable – un causeur hors ligne, un écrivain au-dessous de sa réputation. Je ne lui ferai pas l’injure de demander qu’on le juge d’après son roman" des Eaux printanières"... Oui, c’est un chasseur paysagiste, un peintre de dessous de bois très remarquable... »

Edmond de Goncourt et Tourguéniev ont échangé leurs œuvres au moment où s’opérait un rapprochement entre les deux hommes. Le Russe a envoié au Français ses Nouvelles moscovites, traduites par Mérimée et lui-même; Goncourt lui a fait parvenir Charles Demailly. Goncourt a bénéficié de l’aide de Tourguéniev pour publier en Russie ses œuvres et celles de son frère: on a traduit dans ce pays Germinie Lacerteux et Renée Maupérin.

En 1875, Emile Zola (1840-1902) a fait paraître une chronique sur les frères Goncourt dans le Messager de l’Europe. Tourguéniev a beaucoup aidé Zola, le dernier membre du groupe des Cinq. Presque toute leur correspondance, qui est une correspondance d’affaire, est consacrée à la collaboration du romancier français à la revue russe.

Zola appréciait le don de Tourguéniev pour les langues : « Il savait plusieurs langues ; il nous lisait souvent Goethe à livre ouvert, ce qui faisait en somme une traduction triple, puisqu'il lui fallait d'abord tra­duire l'allemand en russe dans sa tête, puis le russe en français ».

Zola reconnaissaît que c’était Tourguéniev qui avait fait conaître aux écrivains français la Russie et la littérature russe : « C'est par lui que nous avons connu Tolstoï, vers 1877, c'est-à-dire bien avant que M. de Vogué ait découvert la Russie. Malgré leurs différends, il avait pour Tolstoï une très grande admiration, il le trouvait le plus grand romancier du monde».

L’écrivain devait d’ailleurs à Tourguéniev de la reconnaissance personnelle : « C'est lui, je ne l'oublie pas, qui m'a pour ainsi dire présenté à la Russie en 1875 au plus gros moment de ma bataille. "Le Corsaire", où j'écrivais, venait d'être supprimé par le duc de Broglie, ma foi ! pour mon article "le Lende­main de la crise". Pas un journal ne m'était ouvert, je crevais de faim, on me jetait de la boue de tous les côtés, et c'est alors qu'il m'a fait entrer dans cette grande Russie, où depuis on m'a bien aimé».

Zola trouvait tout à fait normal que Tourguéniev lui donnait des sujets de  ses chroniques. Dans une lettre Zola remerciait Tourguéniev qui lui avait donné « deux bons sujets : les coulisses du journalisme parisien et une étude pittoresque sur la Provence et les Provençaux ».

Le romancier russe trouvait le temps de se consacrer à la publicité littéraire et à la recherche bibliographique érudite, aussi bien qu’à l’établissement de relations personnelles et intellectuelles entre les penseurs de différents pays. Par cette ouverture sur le monde Tourguéniev apparaît comme un comparatiste authentique. Maupassant l’a bien senti et l’a bien exprimé :

« Ses opinions littéraires avaient une valeur et une portée d'autant plus consi­dérables qu'il ne jugeait pas au point de vue restreint et spécial auquel nous nous plaçons tous, mais qu'il établissait une sorte de comparaison entre les littératures de tous les peuples du monde qu'il connaissait à fond, élargissant ainsi le champ de ses observations, faisant des rapprochements entre deux livres parus aux deux bouts de la terre, en deux langues différentes ».

N’oublions que les interlocuteurs ne parlaient que le français et que c’étaient les grands Français qui admiraient la maîtrise de Tourguéniev parlant leur langue !

Un portrait en trois couleurs

Le 5 avril 1893 on avait posé une plaque commémorative du séjour de l'illustre écrivain russe Ivan Tourguéniv à la villa des Frênes, où il est mort en 1883. Ni Zola, ni Concourt, ni Daudet, qui, avec lui et Flaubert, avaient fondé le fameux Dîner des Auteurs sifflés, n'ont été invités. C'est Jules Huret, journaliste de Figaro, qui leur a appris l'événement en demandant à chacun d'eux d'évoquer, pour les lecteurs, leurs souvenirs personnels sur l'auteur de Pères et Enfants. Cela fait un portrait en trois couleurs d'une saveur assez originale, comme on en pourra juger.

ALPHONSE DAUDET

« Le vivant m'a laissé assez de souve­nirs charmants pour qu'il  me plaise d'en parler. C'était un géant! Tout était énorme chez lui, on aurait pu livrer des batailles dans les plaines et les creux de ses joues, sur son nez on aurait pu dresser un camp! Il ne se levait pas de sa chaise, il se déroulait à n'en plus finir, comme un boa. Et je me rappelle qu'un jour qu'il était venu dîner à la maison avec Goncourt, qui mesure 1,80 m, et Flaubert, qui était plus grand encore, mon fils Léon, tout jeune alors, me dit à l'oreille, avec un air stupéfait : Papa, c'est des géants ?

Je le veux dire ici, pendant que j'y suis, je ne partage pas du tout l'avis de Goncourt sur la valeur littéraire de Tourguénieff. Te trouve que Pères et Enfants, Terre Vierge et les Souvenirs d'un Chasseur sont des œuvres admirables ».

EDMOND DE GONCOURT

« Tourguénieff était un causeur hors ligne, mais, à mon avis, l'écrivain est très au-dessous de sa réputation. C'est un paysagiste, un charmant peintre de sous-bois, mais non un peintre d'humanité : l'observation chez lui est nulle ou fausse, les Slaves qu'il nous a montrés manquent de la rudesse, de la sauvagerie cosaques ; on dirait des Russes qui ont fréquenté la cour de Louis XIV ! Flaubert me disait que cette rudesse était un besoin de mon imagination <…> Chose singulière, et que j'ai notée, cet homme si fin, si délicat, si féminin (c'est de Tourguénieff que je parle), se plaisait surtout en la compagnie de gens grossiers... »

EMILE ZOLA

« C'était  un   vieillard   colossal,   tout   blanc,   longs   cheveux   blancs,   grande   barbe blanche, ce qui lui faisait dire souvent : « Ça m'ennuie, je tourne au vieillard pitto­resque. » C'était un être exquis, à l'esprit juste et droit, non sans un peu de caprice. J'allais le voir très volontiers, quand le livre d'un ami paraissait ; j'étais sûr d'en tirer un jugement original,  quelque chose  que je  ne  trouverais  pas  ailleurs <…> C'était un esprit très large, très fin, un passionné de musique, un homme un peu lent, un oeu féminin ; sans être fou de son pays, il aimait assez aller en Russie <…> mais il y étouffait un peu, en Russie... et, en somme, il revenait en France avec plaisir». 

Ivan Tourguéniev  dans le dialogue des cultures russe et française

L’image donnée de la perception de la Russie en France à travers l’activité et la personnalité d’Ivan Tourgueniev nous donne un exemple éloquent d’un dialogue varié et multiforme des cultures croisées de nos deux pays. Citons en conclusion l’appréciation de Maupassant : « Il restera... un de ceux à qui la Russie devra la plus grande et la plus éternelle reconnaissance, parce qu’il aura donné à ce peuple quelque chose d’immortel et d’inestimable: un art, des œuvres inoubliables, une gloire plus précieuse et plus impérissable que toutes les gloires! des hommes comme lui font plus pour leur patrie que des hommes comme le prince de Bismarck: ils se font aimé de tous les esprits élevés, dans toutes les parties de la terre ».

Ressources

  1. Jules Huret.Yvan Tourguénieff (l’article en première page dans le numéro du 5 novembre 1893 du Figaro) // Actes du Colloque « Tourguéniev, Zola et Daudet au sein du Groupe de Cinq », Bougival, 11 novembre 1990. –  Cahiers Ivan Tourguéniev, Pauline Viardot, Maria Malibran. – № 14. –  Paris, 1990. – Р. 56–61.
  2. Guy de Maupassant. Ivan Tourgueneff / Chroniques II, 1er mars 1882 – 17 août 1884, Union Générale d’Editions, 1980 (10/18). // Cahiers Ivan Tourguéniev, Pauline Viardot, Maria Malibran. – № 17–18. –  Paris, 1993-94. – Р. 108–111.
  3. Troyat H. Tourgueniev. – Paris : Flammarion, 1985.
  4. Ivan Tourguénev. Lettres inédites à Pauline Viardot et à sa famille./ Edition Henri Granjard – Alexandre Zviguilsky, préface de H. Granjard – Lausanne : L’Age d’Homme, 1972.
  5. Zviguilsky A. Les écrivains français d’après leur correspondance inédite avec Ivan Tourguéniev // Cahiers Ivan Tourguéniev, Pauline Viardot, Maria Malibran. – № 1. –  Paris, 1980. – Р. 17–29.
  6. Тургенев И. С. Полное собрание сочинений и писем в 30-ти томах. Письма в 18-ти томах. – М.: Наука, 1982–1991.
  7. Карантеева И.Л. Tourguéniev et Viardot : destins croisés de la Russie et la France. // La Langue française: bimensuel pédagogique – «1 сентября», № 20, 2008.
  8. Карантеева И.Л. Ivan Tourguéniev dans le dialogue des cultures russe et française // Иностранные языки в школе (Научно-методический журнал). № 2 , 2009.
  9. Les plumes amies / Le blog du MUSEE TOURGUENIEV // www.tourgueniev.fr/page_id=29
  10. https://www.edition-originale.com/fr/litterature/envois-autographes-dauteurs-manuscrits/tourgueniev-ou-lettre-autographe-signee-divan-1878-59680.